Dans le monde oriental, elles sont liées à la puissance des empires et à lâinstauration de sociétés de cour ; dans le monde occidental, depuis la Renaissance, se développent également des gastronomies, dont la partie émergente est, elle aussi, liée aux sociétés de cour. Or les prix fous risquent de décourager la clientèle de masse, sauf si fonctionne un effet superstar : le menu âSoir dâhiverâ à LâArpège, dâAlain Passard, est à 420 euros, le âblanc de bar braisé et glacé au champagneâ du Meurice est facturé à la carte 142 euros. 56Les restaurants gastronomiques de gamme inférieure, qui développent des offres inspirées des cuisines populaires et régionales, jouent dans un contexte concurrentiel tendu par la montée des coûts. Lâévolution de la langue française. Il ne suffit plus de âfaire de la cuisineâ pour les grands ou lâélite, il faut la vendre. En même temps, il reflète la domination symbolique de sa composante élitiste. Ainsi les cuisines élitistes situées en région ont-elles été amenées à cultiver leur spécificité territoriale en jouant de leur proximité avec des actifs locaux spécifiques. Les faisant venir de tous les coins de France et du monde, il engendre des coûts de transport donc des coûts environnementaux élevés. La région Paca (Provence-Alpes-Côte dâAzur), avec 7,8 % de la population française (chiffre 2010), concentre pour sa part 7,7 % des trois-étoiles, 17,9 % des deux-étoiles et 14,6 % des une-étoile2. Le âcuisinierâ, le chef, sâoppose à la âcuisinièreâ, à la âménagèreâ, comme le âgrand couturierâ à la âcouturièreâ. La gastronomie Française dépasse la simple alimentation. Les frères Michelin écrivent un guide pour guider l'apprenti conducteur à comprendre sa voiture. Il sâagit de la question de la succession du créateur. 21Si la cuisine bourgeoise régnait sur lâensemble du territoire français, la gastronomie aristocratique, née dans les palais de la cour, était principalement concentrée à Paris. Découvrez les recettes dont on se délecte, au grand étonnement, voire dégout de nos voisins ! Certains mangent pour vivre, d'autres vivent pour manger. Voir: Paul Bocuse, le "pape de la gastronomie française" Une des définitions de la gastronomie est "une manière particulièrement attentive, souvent considérée comme élitiste, de cuisiner et, surtout, de déguster des aliments, avec pour piliers l'art de la cuisine et lâépicurisme". Il institutionnalise des formes définies dâoffre (le menu avec sa déclinaison de plats valorisant les produits rares et de qualité, destiné à offrir de lâextra-ordinaire), des modes de composition et de préparation (les sauces et apprêts, la transformation du produitâ¦). Il sâinscrit dans un paradigme spécifique, élitiste, du goût. 36Le modèle gastronomique élitiste a également attiré les touristes étrangers qui, par la suite, ont constitué, dans leurs pays, une source de demande pour de nouveaux offreurs locaux sâinspirant de cette gastronomie. En premier lieu, il transmet, en tant que patrimoine territorial partagé, celui de la France, une culture commune dâautant plus forte que les principes de la cuisine et de la gastronomie ont été définis, codifiés, articulés et normalisés (nous avons mentionné le rôle de Carême ou de Curnonsky), puis diffusés (les livres de recettes mais aussi les âmanuels dâéducation ménagèreâ). - Méthode de FLE sur le thème de la gastronomie française - Extraits A1/A2. Vincent Marcilhac, âRevitalisation dâune économie locale et stratégie familiale : le cas Marcon à Saint-Bonnet-le-Froidâ, Norois, n° 219 (numéro spécial dirigé par Olivier Etcheverria : âLe restaurant, outil de développement local ?â), Presses universitaires de Rennes, septembre 2011. 52Lâexpansion de la gastronomie française, portée par sa réputation nationale et internationale, par lâenrichissement dâune partie de la population mondiale et par le souci grandissant de satisfaction hédonistique, a des effets macro-économiques importants, en créant des emplois et en distribuant des revenus qui contribuent à soutenir la croissance. Des phénomènes de lock-in se développent, au moment où émergent de nouvelles offres culinaires, dans de nouveaux pays gastronomiques (lâEspagne, voire lâAngleterre ou les pays nordiques), moins prisonniers de patrimoines rigides, plus flexibles et capables de sâadapter plus rapidement. Bénédict Beaugé, âSur lâidée de nouveauté en cuisineâ, Mode de recherche, n° 13 (âGastronomie, cycles de mode et consommationâ), 2010. Mis à jour le 03/11/2016 | 16:00publié le 03/11/2016 | 16:00. Ce mouvement sâaccélère aujourdâhui en sâappuyant sur la demande croissante de âvraiâ, de ânaturelâ, de âprocheâ, formulée par les consommateurs ou qui leur est attribuée. La course à la créativité, au luxe et aux étoiles peut être illustrée par lâexemple dâAlain Ducasse qui, quand il fut engagé comme chef du Louis XV, à Monte-Carlo, avait dâaprès son contrat un an pour obtenir la troisième étoile Michelin, faute de quoi celui-ci était automatiquement rompu. Paradoxalement, certains estiment que la France a atteint son apogée culinaire. Curnonsky cherchait, dès la fin de la Grande Guerre, à asseoir un cercle vertueux entre développement du tourisme et essor de la gastronomie, sur la base dâune valorisation du patrimoine culinaire français. Cependant, comme les systèmes gastronomiques dont ils proviennent, ces patrimoines, soumis à la rencontre dâautres patrimoines et dâautres cultures, dont des cultures culinaires, ne constituent pas des ensembles totalement cohérents, même si certaines caractéristiques fortes les marquent, et ils ne se reproduisent pas à lâidentique. 22La gastronomie élitiste, comme câétait déjà le cas de la cuisine de cour (on se souvient du suicide de Vatel, cuisinier du prince de Condé, en raison du retard de la âmaréeâ venue des côtes normandes), draine vers Paris tous les produits de qualité disponibles sur le territoire français, aidée en cela par la centralisation jacobine des transports (cf. Quand il crée un Åuf de caille en croûte de caramel, ou une polenta de parmesan, il nâest plus lâutilisateur de recettes ancestrales, mais un créateur â dâodeurs, de textures, de goûts. Le patrimoine crédibilise la création qui sây réfère et en élève la réputation. Le paradigme du goût et du luxe aristocratique tournait autour de lâidée que le bon goût est spécifique aux grands et ainsi que les biens de luxe devaient leur être réservés ; le peuple ne saurait les apprécier, ce serait âdonner de la confiture aux cochonsâ. Le travail est organisé de façon rigoureuse, via une division des tâches précise : la âbrigadeâ avec ses divisions, âsauciersâ, âlégumiersâ, pâtissiers⦠La cuisine est une activité professionnelle, respectant des normes et routines déterminées, impliquant formation spécifique et longue, souvent à travers le passage dans différents établissements, à la manière du âTour de Franceâ des compagnons. 11Les apports des historiens et sociologues de la gastronomie française permettent dâavancer une caractérisation du système gastronomique français à partir de lâexistence dâun patrimoine gastronomique français, rassemblant des éléments appartenant à deux modèles gastronomiques assez différents mais qui, vu leur proximité de base spatiale, ont réalisé des échanges et des hybridations. 30Il tend à établir un cercle vertueux créativité-patrimoine : lâhistoire de la création culinaire et le culte du créateur, le grand cuisinier, sont des facteurs incitant à la créativité, en la valorisant ; les effets de stock, de mémoire et dâexpérience facilitent lâapprentissage et la transmission de la créativité, notamment entre générations ; la patrimonialisation de la cuisine française, et particulièrement de sa gastronomie, la rapproche de lâart et de la création et lâinsère dans le patrimoine intellectuel, artistique et culturel français. Câest aussi un patrimoine institutionnel, avec des institutions définies, les systèmes dâapprentissage, dâéchange entre professionnels, de relations avec la critique gastronomiqueâ¦. Christian Barrère, « Patrimoines gastronomiques et développement local : les limites du modèle français de gastronomie élitiste », Mondes du Tourisme, 7 | 2013, 15-36. Un modèle élitiste ânationalâ issu de la culture de cour, plutôt dominant, a coexisté pendant des siècles avec un modèle gastronomique ârégionalâ et âpopulaireâ, du fait du processus historique de développement en France de la gastronomie. La "bonne bouffe" que Jean Gabin et Lino Ventura revendiquent avec gourmandise. Ainsi, lâintérêt croissant pour la gastronomie ne sâest pas seulement traduit par une inflation du discours gastronomique. Nous lâappliquons à la gastronomie française en étudiant son patrimoine gastronomique et ses effets dâentraînement sur les territoires. Si dans un premier temps la démocratisation de la gastronomie a été seulement âformelleâ, câest-à -dire que lâaccès en a été ouvert à un plus large public mais quâelle est restée organisée selon le modèle élitiste, lui-même issu du modèle aristocratique, désormais la démocratisation tend à devenir âréelleâ en jouant aussi sur son contenu et en sâécartant des codes dâinspiration aristocratique. La mode et son destin dans les sociétés modernes, Gallimard, 1987. Cette diversité, dans le temps et dans lâespace, des relations entre gastronomie et territoire sâobserve aussi dans des domaines proches, comme en matière dâagrotourisme, dâÅnotourisme et de promotion des produits agricoles et vitivinicoles de terroir (Gatelier, Delaplace et Pichery, 2012). 54Le modèle élitiste nâest pas un modèle économe. #Français de spécialité. Olivier Etcheverria, âSan Sebastian : capitale gastronomique parmi les capitales gastronomiquesâ, dans Julia Csergo et Jean-Pierre Lemasson (dir. Il poursuit en proposant un début dâanalyse des effets dâentraînement sur les territoires du système gastronomique français et de son patrimoine. Elles ont conservé une partie de leurs singularités, comme en Sicile ou en Sardaigne, en Piémont ou en Toscane, à Venise ou à Bologne. à cela sâajoute lâeffet Baumol bien connu (Baumol et Bowen, 1966) : dans des secteurs avec un processus de production fondé sur le travail vivant, les gains en productivité sont très limités (à lâinverse des secteurs industriels), de sorte que le prix relatif des biens des premiers ne peut quâaugmenter de façon continue. La pratique du vélo se développe-t-elle en France ? 8La reproduction dans le temps des modèles et du système aboutit à la constitution de patrimoines gastronomiques. The Triumph of French Cuisine, The University of Chicago Press, 2004. Certains terroirs seront donc privilégiés mais leur localisation nâa rien à voir avec celle des établissements de restauration. Alfred Marshall, Principles of Economics, 8e édition, Macmillan, 1920 (paru en 1890). La créativité appliquée à des matières premières traditionnelles attire une clientèle de plus en plus large, à la recherche de nouveaux codes alimentaires, attentive à la qualité et à la salubrité des produits, et prenant ses distances avec le luxe et le conformisme du cadre traditionnel du grand restaurant. Début 21ème siècles Nourriture saine et respectueuse de Mémoire d'écran : l'évolution de la cuisine française La gastronomie française est réputée dans le monde entier, mais nos habitudes ont changé au fil du temps. Un Art. Ils sont aussi extrêmement variés du fait de la grande diversité des terroirs et climats propre à la France. Lâévolution de la localisation de la clientèle sâest traduite par lâexpansion des restaurants de la Côte dâAzur et, plus largement, des zones à tourisme de luxe. 63Une seconde raison explique les difficultés du modèle de restaurant élitiste. Les âconsommateursâ lâont également plébiscité : 400 000 demandes de réservation pour 8 000 places (le restaurant nâétant ouvert que le soir et pour 45 couverts). Au lieu de privilégier le produit la gastronomie élitiste esthétise la cuisine et donne de lâimportance à lâapprêt et à la présentation du plat. 39Le cas de Ferran Adrià , proclamé meilleur cuisinier du monde, est emblématique de ces mutations. 25La gastronomie élitiste puise dans le patrimoine français de la cuisine qui intègre différents types dâéléments, issus de la cristallisation, à travers les siècles, de la gastronomie aristocratique et élitiste mais aussi des gastronomies locales et populaires ; elle sâen sert de façon spécifique, différemment des cuisines populaires et locales, en fonction de ses principes structurels et de fonctionnement. Ils sont travaillés par des personnes hautement qualifiées, dans des processus de préparation longs et complexes, en recourant à des techniques et à des appareillages sophistiqués. Gilles Lipovetsky, LâEmpire de lâéphémère. Le vocabulaire culinaire est répertorié et codifié avec, notamment, la parution en 1914 par Thomas Gringoire et Louis Saulnier du Répertoire de la cuisine, véritable Bible du cuisinier qui répertorie plus de 7 000 recettes [10]. 1 Elle fait ainsi partie des âhedonic productsâ, biens à utilité essentiellement hédoniste que Addis et Holbrook (2001) distinguent des âutilitarians productsâ, biens à utilité essentiellement utilitaire, et des âbalanced productsâ, dont lâutilité combine les deux types définis. 69La gastronomie se trouve interpellée par ces mutations. Lâhétérogénéité des liens entre alimentation et territoire â de la forme dominante en Piémont qui associe avant tout gastronomie et culture, voire art, à celle qui lâemporte en Toscane où est privilégiée la relation entre cuisine et promotion des produits locaux â montre aussi que ces cuisines sâinscrivent dans des patrimoines locaux dont le contenu contribue à les modeler. Christian Barrère, Aldo Buzio, Alessia Mariotti, Alessandro Corsi et Paola Borrione, âIndustria del gusto : un nuovo paradigma italianoâ, Florens 2012. 47Nous avons vu plus haut comment la recherche de débouchés auprès dâune clientèle capable de consacrer des budgets accrus aux dépenses de restauration gastronomique, du fait de lâinflation de ses prix, conduisait à une restructuration spatiale de la cuisine élitiste. Christian Barrère, Denis Barthélemy, Martino Nieddu et Franck-Dominique Vivien, Réinventer le patrimoine. Le matin, vous suivrez un cours de français. Formellement, nous pouvons distinguer des principes structurels (quels produits sont utilisés, quelle valeur leur est attribuée, qui consomme de la gastronomie, à quelles occasions, sous quelles formes, qui produit la gastronomie, quelle est la configuration du système dâacteursâ¦) ; des principes de fonctionnement, assurant la régulation de lâensemble (par exemple, comment sont formés et recrutés les chefs dans les systèmes fondés sur leur hégémonie ou comment est assurée, dans les régimes marchands, lâadaptation entre offre et demande) ; et des principes de développement (la transmission entre générations, le culte du patrimoine, lâincitation ou non à lâinnovation...), qui débouchent sur des sentiers dâévolution (course à la sophistication ou à la créativité ou, au contraire, conservatisme culinaire ; flexibilité et degré dâouverture aux influences extérieures ; capacité à sâexporter hors de son territoire dâorigineâ¦) et seront à la base du développement local des gastronomies. La nouvelle cuisine, plus délicate et raffinée, va régner en maître dans les restaurants dans les années 1970 et 1980. Les façons très sophistiquées de cuisiner ne sont plus la seule incarnation du luxe et du goût. Les conventions culinaires, comme la ânouvelle cuisineâ dans les années 1960 ou la âcuisine créativeâ aujourdâhui, dévalorisent à lâinverse la cuisine bourgeoise et populaire, régionale, âtrop lourdeâ, tout juste bonne à être ârevisitéeâ et âsophistiquéeâ par les grands chefs. Sur la base de produits locaux (truffes, poissons, champignons, fromages, vins par exemple), dâune élaboration et dâune sélection locales (confits, garbures, bouillabaisse, cassoulets, tripes, charcuteriesâ¦) ont été définies des recettes locales, des plats locaux ou régionaux, pour la cuisine ordinaire mais aussi pour les fêtes et cérémonies (repas de mariage, de communion, fêtes religieuses...). Néanmoins la contrainte de clientèle nâa pas permis dâobtenir une croissance aussi forte que celle quâont connue les régions, Paris en premier lieu, dotées de débouchés plus affirmés. Car si la question se pose, c'est bien parce qu'il y a cette image, cette représentation, celle de lâindétrônable gastronomie française. Se pose donc la question nouvelle des débouchés et de leur inscription territoriale. Pour cela il convenait de justifier le détour ainsi occasionné. Le système gastronomique français sâest historiquement constitué autour de deux modèles gastronomiques très différents, quâil a rapprochés et partiellement unifiés, et a produit un très riche patrimoine gastronomique qui sâest largement diffusé à travers le monde. Le goût, la cuisine et le corps, coll. âPointsâ, Odile Jacob, 1990. Lâhistoriographie classique considère que ce sont eux qui ont fixé les bases de la gastronomie française. En 2016, la gastronomie est présente partout, émission de télévision, journaux, blogs, lâart culinaire occupe une place prédominante partout dans la vie des Français. Leur émergence est facilitée par la mutation observée avec lâirruption dâinternet dans la critique gastronomique. Elles ont puisé dans les composantes non élitistes, bourgeoises ou populaires et dâorigine régionale ou locale, du patrimoine gastronomique français. Ajouter une ressource au carnet. 28Le patrimoine à dominante élitiste contribue à la reproduction de la cuisine élitiste le long dâun sentier de développement précis. Herbert Spencer, âOn Manners and Fashionâ (paru en 1854 dans Westminster Review), dans H. Spencer, Essays on Education and Kindred Subjects, Dent/Everyman, réédition 1966 (1re édition 1911). Différentes dâune région à lâautre, la gastronomie offre une [â¦] Le développement de la consommation de biens offrant des caractéristiques hédonistes, révélé entre autres par lâinflation du discours gastronomique dans les médias, y contribue également. Elle sâadresse, compte tenu des prix pratiqués, à un segment très particulier de la demande gastronomique. En second lieu, il développe des effets dâidiosyncrasie, en permettant à la production française de bénéficier de spécificités dâactifs, engendrées tout au long de lâhistoire et sources dâavantages comparatifs décisifs. Ils incitent les fournisseurs à monter en qualité afin de pouvoir offrir, à leur tour, des prestations de qualité. La fête c'est une assiette bien pleine est un repas qui peut durer cinq heures. La niche élitiste ne disparaît donc pas mais se contracte et ne constitue plus âLeâ modèle de la gastronomie. Elsa Gatelier, Marie Delaplace et Marie-Claude Pichery, Patrimonialisation de la vitiviniculture et développement du tourisme dans les régions viticoles. 66Cependant, la tradition aristocratique qui fondait la cuisine élitiste française et lui donnait un avantage comparatif indiscutable freine son adaptation aux changements du monde et à la circulation des cultures, y compris culinaires. Avec l'automobile, la France découvre en 1900 la gastronomie. Experts et guides, en premier lieu le Guide rouge, justifient ce modèle et disent qui appartient à quel segment, de la niche élitiste des restaurants étoilés et prestigieux aux restaurants standards, en passant par les différents segments définis par des prix et une qualité décroissants mais se référant à des mêmes principes culinaires. Lâévolution du modèle gastronomique participe de ce mouvement. Le pari peut sâavérer gagnant quand la réputation du chef, souvent constituée lors de sa période élitiste, assure une clientèle nombreuse ou que le bouche-à -oreille fonctionne. La concurrence entre pouvoirs locaux puis le besoin de consolider la domination du pouvoir royal enclenchent un processus de surenchère qui tend à caractériser de plus en plus la cuisine aristocratique par la sophistication et lâétalage de la richesse. Or celui-ci rencontre aujourdâhui des difficultés nouvelles. Cet effet concerne lâensemble du territoire français et contribue à ce que la France apparaisse comme la première destination touristique au monde. En même temps, des inflexions dans ce phénomène sont à remarquer. Le principal capital du restaurant élitiste est en effet la réputation de son chef, directement liée à son talent et à son investissement personnel dans lâétablissement. La créativité était mise en avant, Ferran Adrià revendiquant 1 500 créations estampillées, dont lâÅuf de caille caramélisé, lâhuître servie en écume dâeau de mer, le caviar servi sur une gelée de pomme, la gaufrette de parmesan surmontée dâune boule de glace au parmesan, ou les lamelles de champignon dégustées crues après avoir humé dans un carton leurs odeurs de sous-bois et ingéré une pipette de suc de cèpes. 1547 â Catherine de Médicis devient Reine de France, elle arrive de Florence avec un aréopage de traiteurs, de chefs, de viticulteurs et de jardiniers. Il lâest aussi via des effets dâexpérience : les âanciensâ transmettent aux plus jeunes via lâapprentissage, le travail en commun ; les participants à la création culinaire peuvent élever leur créativité du fait de leur insertion dans une communauté culturelle qui a réfléchi sur la gastronomie, en connaît lâhistoire. 57Les restaurants gastronomiques représentent évidemment un débouché direct pour les producteurs vitivinicoles tout en contribuant à asseoir la réputation de leurs vins et alcools.